Le Leadership en temps de guerre

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«It’s not enough that we do our best; sometimes we have to do what’s required.»

Winston Churchill

Les entreprises françaises comme Auchan, Renault-Nissan, Decathlon, Danone, et autres emploient 160.000 salariés en Russie et 30.000 salariés en Ukraine. Ce qui fait de la France le premier employeur étranger dans ces deux pays.

La guerre russo-ukrainienne touche nos entreprises et défie nos Leaders avec une situation d’une complexité inédite. D’un côté les sanctions et les décisions politiques imposées, de l’autre des équipes déstabilisées face au nouveau contexte dans leur travail comme dans leur vie privée. S’ajoute à cela la situation personnelle du dirigeant avec ses propres émotions, car pareil conflit ne laisse personne indifférent. 

Les dirigeants se demandent aujourd’hui, comment gérer les activités et les équipes en cas de guerre? Rien n’est prévu, tout reste à inventer. 

En Ukraine, la quasi-totalité des entreprises a dû arrêter sa production, fermer ses usines et magasins et stopper son commerce suite à la destruction de l’infrastructure et l’insécurité générale.
En Russie les stratégies varient : Mcdonald, LVMH et Coca Cola se sont provisoirement retirés du marché, tandis que d’autres entreprises continuent leurs activités, afin « de ne pas punir et isoler la population russe ».  Les stratégies sont diverses et adaptées au produit, à l’importance et à la cible du marché. (lien en allemand)

Si ces décisions sont en grande ligne dictées par les politiques, les actionnaires, et/ou le conseil d’administration, la mise en œuvre dans la gestion quotidienne et auprès des équipes revient à la direction européenne et régionale. Ce sont leurs actions qui vont déterminer comment l’arrêt d’activité se déroulera, comment il sera vécu par les équipes et quelles en seront les conséquences pour l’entreprise.

Prenons comme exemple l’arrêt immédiat d’un site de production en Russie. Il incombera à la direction de prendre des décisions sur un ensemble de facteurs. Que faire du personnel de production : mise en inactivité avec préservation de salaire, mise en inactivité sans salaire, arrêt du contrat ? Que faire du personnel dirigeant local ? Faut-il garder le management local afin de surveiller l’unité de production en arrêt ? Que faire du stock de produits finis et de matières premières ? Que faire des commandes en cours et des fournisseurs, des créanciers et des débiteurs ? Faut-il rapatrier du personnel russe ou autre s’il souhaite quitter le pays ? La liste des questions est longue.

En temps de crise les leaders sont amenés à réagir rapidement. Ils doivent prendre des décisions stratégiques importantes sous forte pression tout en réévaluant régulièrement la situation. Il faudra être prêt à changer, à s’adapter à tout moment. 

«When dealing with people remember that you are not dealing with creatures of logic, but creatures of emotion.»

Dale Carnegie

La difficulté majeure d’une crise imprévue est de réagir rapidement à très court terme, tout en intégrant l’événement et ses conséquences dans les stratégies à long terme. Il faudra dès aujourd’hui intégrer dans les différents scénarios futurs la difficulté d’approvisionnement en matières premières et leur augmentation de prix. La guerre russo-ukrainienne a provoqué de profonds changements dans notre économie mondiale et ces changements doivent faire partie de nos plans d’action de demain. 

En plus de la problématique de la gestion des activités dans un pays en guerre, les dirigeants sont également confrontés à la question de la gestion des ressortissants de ces pays en France.
Prenons le cas de cette salariée Russe travaillant et vivant en France, qui est devenue avec sa fille victime de stigmatisations. Leur situation étant devenue à tel point insupportable qu’elle souhaite rentrer en Russie. En tant que chef d’entreprise, faut-il aider les Russes en France à rentrer dans leur pays ?

En contact avec les équipes, les Leaders sont confrontés à des situations humaines complexes.

Souvent il n’y a pas une seule bonne manière de réagir. Il convient d’étudier cas par cas les problématiques et d’adapter sa réponse. Et il faut trouver la bonne communication. Comment expliquer le geste ? Comment la réponse s’inscrit-elle dans les valeurs de l’entreprise ? Comment justifier humainement la réaction ?

Le Leadership nécessite une bonne communication sur ses actions et ses motivations autant vers l’extérieur pour préserver son image, qu’à l’intérieur de l’organisation pour préserver le moral des équipes.

Il est primordial d’impliquer les collaborateurs et de renforcer le sentiment de considération et d’appartenance afin d’éviter les stigmatisations et les positions simplistes du genre « tous les Russes soutiennent Poutine ». Il appartient au dirigeant d’amortir la remontée de stress avec une communication rassurante, légèrement plus positive que sa propre appréciation de la situation mais sans être hors sol.

Après plus de deux ans de pandémie, il n’est pas étonnant qu’on observe de la fatigue et de l’irritation dans les équipes. Au responsable de suivre le moral de ses troupes, de repérer les plus affectés et d’engager le dialogue. Leurs actions et communications doivent être guidées par la bienveillance.

Cette nouvelle situation exige des dirigeants de faire preuve d’intelligence émotionnelle et d’empathie, car la gestion de personnel  au niveau international devient plus complexe. Les rapports et visions de collaborateurs Polonais, Serbes ou Français par rapport à la Russie sont totalement différents. La manière dont l’individu perçoit cette crise dépend de la mémoire collective de son peuple et de ses expériences personnelles. Un Français marié à une Russe percevra la situation différemment d’un Polonais qui vit avec sa famille en Ukraine. Gérer une équipe serbe, sachant que la Serbie soutient les positions de Vladimir Poutine, demande de l’adaptation aux sensibilités locales. Avec la mondialisation, nos vies privées sont plus hétérogènes, ce qui rend la gestion humaine plus délicate et complexe. A ce titre, témoigner de l’empathie pour la situation particulière de chacun est tout aussi important que s’assurer de la sécurité et du bien-être de ses équipes. 

En même temps le Leadership effectif implique la personnalité du dirigeant. 

Il n’est pas toujours évident pour un Leader de faire la part entre sa conviction profonde et sa persona de dirigeant, qui a comme rôle de trouver l’équilibre entre les consignes imposées et les possibilités données. Responsable ou pas, nous avons tous des sentiments, des peurs, des valeurs et des espoirs selon notre condition. Au dirigeant de faire ressortir le guerrier, le bon soldat ou le protecteur qui se trouve en lui afin de gérer de façon efficace. 

Et si cette crise révélait justement le Leader que vous êtes ? A l’instar du président Zelenski, un acteur-humoriste qui s’est transformé en chef de guerre, exemple de Leadership efficace et fort pour le monde entier. Il est aux côtés de ses troupes et de son peuple et communique sans cesse, à tous les niveaux. Et c’est justement sa communication son point fort. Il s’adresse tous les jours à des Leaders de pays amis de l’Ukraine afin d’obtenir du soutien. Et dans chaque discours il fait référence à un élément historique du pays en question afin de sensibiliser et toucher son public. Quand il s’adressait le 1er avril au parlement belge, il évoquait la bataille d’Ypres de la seconde guerre mondiale, un événement qui est inscrit dans la mémoire de cette nation. De même il fait preuve d’empathie et d’humanisme quand il s’adresse à ses troupes et à son peuple qui sont réunis et combatifs derrière leur président et Leader. Voilà un bel exemple à suivre.

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2 Commentaires. En écrire un nouveau

  • Excellent article, qui résume bien les défis des managers face à une telle crise

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  • Devriendt Pierre
    6 avril 2022 12 h 01 min

    Un bel article, juste et digne. Une réflexion cependant. Si les perceptions d’une situation sont contingentes de celui ou celle qui la regarde, de son histoire personnelle et de sa position, un massacre reste une horreur injustifiable. L’empathie n’empêche pas qu’on distingue sans ambiguïté l’envahisseur et les envahis, les tueurs et les tués, La défense des valeurs suprêmes de liberté et de respect de l’autre sont au 1er rang du leadership puisqu’elles sont la source de tout le reste.

    Répondre

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