L’évaluation annuelle est un processus présent dans la plupart des entreprises. Mais récemment, plusieurs grandes entreprises comme Deloitte, Accenture et General Electrics ont pris la décision d’arrêter leur traditionnel système d’évaluation. Selon le CEO d’Accenture Pierre Nanterme, ce système n’apporte pas grand chose et, au contraire, coûte beaucoup en temps et en énergie chaque année sans permettre d’aider les personnes à se transformer et évoluer. Ce qui est pourtant son but premier, rappelons le, et pas seulement de savoir si oui ou non nous allons être augmenté. Cependant, cela ne veut pas dire se débarrasser complètement de tout système d’évaluation. Pierre Nanterme a ainsi déclaré « nous allons supprimer à peu près 90% de ce que nous faisions avant ». Il s’agit d’évoluer vers des feedbacks, plus fréquents, en temps réel, pour permettre à chacun de savoir où il se situe en continu. Reste à savoir comment mettre cela en place…
1. Les enquêtes annuelles
Le Global People Survey est aujourd’hui remis en cause pour deux principales raisons. D’abord, c’est un dispositif très lourd qui permet, certes, de constituer un dossier contenant énormément d’informations, graphiques et tableaux, mais qui est donc compliqué à transformer en plans d’actions par les services concernés. De plus, ces informations sont rapidement obsolètes. Les résultats du GPS arrivent souvent près de six mois après le moment de l’évaluation dans certains services. Pendant ce laps de temps, les choses ont très certainement évolué pour amener à une situation à laquelle les données ne s’appliquent probablement plus.
Pour autant, la mesure de l’ambiance reste nécessaire. Le marché des talents a profondément évolué ces dernières années et de plus en plus de personnes cherchent de nouvelles opportunités dans le monde des startups. Si nos collaborateurs ont l’impression que leurs qualités et expériences ne sont pas prises en compte à leur juste valeur parce qu’ils ne reçoivent aucun feedback, il est fort probable qu’ils aillent chercher plus de reconnaissance ailleurs.
Donc par quoi remplacer le GPS ? Plusieurs startups prometteuses comme Flashbrand ou Supermood ont développé des outils permettant des feedbacks et remontées d’information réguliers. Mais cette régularité est aussi un point sur lequel nous devons faire attention. Avec les réseaux sociaux, nous avons de plus en plus l’impression de vivre « onstage », d’être constamment devant un public auquel nous devons plaire. Pour certains, cela peut devenir un frein. Il peut être difficile de tenter de faire quelque chose de différent qui a un risque d’échouer quand on se sent constamment évalué. Mais cela peut aussi être un driver et nous pousser à faire nos preuves en prenant des risques ! Pour les dirigeants notamment, habitués à être constamment évalué par leurs clients, leurs collaborateurs, leurs partenaires et jusqu’au cours de la bourse, des feedbacks réguliers ne peuvent qu’être bénéfiques.
2. Feedbacks vs. évaluation
La majorité des personnes sont intéressées par se développer et s’améliorer. La popularité d’une application comme Rypple, rachetée ensuite par salesforce, qui permet aux membres d’une organisation d’obtenir et de donner des feedbacks, le montre bien. « Vous avez seulement à demander : « quelles sont mes performances dans tel domaine ? » et attendre les réponses » explique Daniel Debow, cofondateur de Rypple. Seul celui qui a posé la question peut voir les réponses et celles-ci sont données anonymement. Cela retire de l’équation toute pression que l’on peut ressentir à l’idée que ces informations puissent être données à nos managers. Debow a également remarqué que les feedbacks sont honnêtes et donc utiles : « avec l’assurance de la confidentialité, ils n’ont pas à s’inquiéter qu’une critique puisse être dommageable pour leurs collègues ».
Dans plusieurs entreprises où je suis intervenu en coaching, mes clients étaient parfois réticents à recevoir un feedback à 360° de peur de se faire juger sur la base de ces informations. Mais une fois établie la confidentialité du processus et l’assurance qu’il s’agissait d’un feedback et non d’une évaluation, ce type d’information se révèle être un formidable outil de transformation et de développement de soi.
Pour tirer tous les bénéfices du feedback, qu’il soit fait entre collègues ou avec son coach, nous devons établir clairement la différenciation avec l’évaluation. Quand l’évaluation se charge de dire « vous êtes ou n’êtes pas performant dans ce domaine », le feedback nous permet d’avoir une vision plus claire de nos points faibles comme de nos points forts et nous donne des pistes pour changer notre manière de faire dans un objectif d’amélioration de soi.
3. L’auto-évaluation
S’auto-évaluer n’est pas simple et peut parfois être contre-productif puisque nous serons généralement trop gentils ou trop durs envers nous-mêmes. Mais confronter cette auto-évaluation aux regards des autres peut nous aider. C’est un bon exercice à faire avec notre coach. Et si notre employeur a gardé le système de l’évaluation annuelle, c’est aussi un exercice que nous pouvons faire pour préparer cet entretien.
Premier conseil pour vérifier si nous sommes honnêtes avec nous mêmes ou non : quand nous décrivons un échec, si nous rejetons la majorité de la faute sur des facteurs externes, il est probable que nous refusions de prendre notre part de responsabilité.
Paradoxalement, il est important d’inclure dans notre évaluation ce que nous ne savons pas ou ne voyons pas de nous. Quand nous travaillons sur un projet complexe, il est possible que nous ne connaissions pas toutes les implications et les résultats de notre travail. La personne avec qui nous partagerons notre évaluation peut avoir une vision plus globale et ainsi nous permettre de voir plus clairement notre rôle au sein de l’entreprise.
Au-delà d’entretien avec nos managers ou notre coach, nous pouvons nous auto-évaluer chaque jour en nous demandant : est-ce que ce que je suis en train de faire est efficace ? Comment puis-je m’améliorer ? Est-ce que certaines de mes habitudes ou comportements sont inefficaces voire contre-productifs ? Est-ce que je fais moi-même ce que j’attends des autres ? Depuis Socrate, nous ne cessons de le répéter, il faut se connaître soi-même si nous voulons nous transformer et avancer !
4. L’évaluation 3.0
Les attentes de nos clients n’ont jamais été aussi hautes qu’aujourd’hui. Et si nous ne leur donnons pas une expérience à la hauteur de ces attentes, il y a de fortes chances que nous récoltions une “bad review”. Parce qu’aujourd’hui, nous évaluons en permanence notre chauffeur uber, notre locataire Airbnb, le restaurant où nous avons commandé, le livreur etc. Et toutes ces personnes nous évaluent en retour sur notre comportement en tant que client.
Mais ces évaluations permanentes ne se limitent pas à notre vie personnelle. Chez Google par exemple, chaque personne est évaluée en permanence par ses supérieurs et ses N-1. La note qu’elle obtient détermine son bonus et sa capacité d’avancement dans l’entreprise.
Régulièrement de nouveaux outils, de nouvelles startups se développent pour que nous puissions évaluer la capacité de notre coach à nous aider à atteindre nos objectifs, l’intérêt d’une formation, la valeur de la culture de notre entreprise.
Ces outils en sont à leur début et nous avons encore beaucoup à apprendre sur la manière de les utiliser au mieux. Un problème est déjà perceptible néanmoins : une note dépend de beaucoup de chose et notamment des critères de chacun. Deux personnes pourront noter très différemment un même service ou un collègue si elles n’ont pas les mêmes attentes ou les mêmes critères. C’est ce qu’a montré une étude : 4000 managers ont été noté par 2 N+1, 2 paires et 2 N-1. 62% de l’écart entre les notes correspondaient à l’écart de perception entre les différents évaluateurs. C’est pourquoi nous devons faire particulièrement attention sur les critères de notations que nous établissons. La solution proposée par Deloitte : se demander ce que nous avons envie de faire avec la personne que nous évaluons (est-ce que je veux la garder dans mon équipe, est-ce que je veux lui confier un projet du même genre) plutôt que sur ce que nous pensons d’elle.
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Je pense aussi qu’il important d’apporter des feedbacks fréquents vue que l’entreprise actuelle est de plus en plus dynamiques. Ainsi les managers et les décideurs peuvent ajuster en permanence. Je suis d’accord que l’auto évaluation est assez difficile mais c’est une matière qui s’apprends et qui se perfectionne aussi. Très bon article.