En France, comme dans le reste du monde, de plus en plus de dirigeants ont recours à des coachs pour s’améliorer et évoluer continuellement. L’idée que le coach n’intervient que pour régler des problèmes n’est plus du tout vraie. On comprend aujourd’hui que le coach de dirigeant a le même rôle que le coach d’un athlète de haut niveau ou un acteur star du show business : c’est un moyen pour continuer d’améliorer des performances déjà très hautes et rester au top de ses performances en se renouvelant sans cesse. D’autant que l’on est plus enclin à ne pas voir des signaux problématiques (nos collaborateurs n’aiment pas remonter des problèmes sans avoir une solution simple à proposer) quand les choses vont globalement bien. Il est donc très important pour un leader, surtout talentueux, de pouvoir se confronter à une personne extérieure qui l’aidera à faire son “reality check” comme disent les américains, son moyen de vérifier que sa vison des choses correspond bien à une réalité.
Toutefois, on retrouve deux manières un peu différente d’accompagner des dirigeants dans ce domaine, les techniques et postures de coaching d’une part et celle de la supervision. C’est une obligation déontologique pour un coach de se faire superviser. Cela lui permet de prendre du recul sur sa pratique et l’aide à constamment évoluer tout en restant vigilant sur la qualité de sa pratique et son éthique. Ces deux rôles sont significativement différents l’un de l’autre et nous pensons que les compétences d’un superviseur sont très adaptées à ce que recherche un dirigeant, surtout si le dirigeant a déjà été coaché ou a une culture du coaching forte.
1. La différence entre le coaching et la supervision
Il existe de très nombreux types de coachs et d’approches du coaching et presque autant de supervisions, mais, en simplifiant, on peut les différencier ainsi :
Le coaching est orienté vers l’atteinte d’un ou de plusieurs objectifs. Ceux-ci sont définis au début de la séance avec le coach ou en amont par les RH et le manager du coaché. Le coach va aider son client à identifier ses points d’amélioration et lui donner des moyens pour se transformer et s’améliorer.
Or, un dirigeant, pour être arrivé là où il en est aujourd’hui, est de toute évidence quelqu’un qui n’a pas de problème pour fixer et atteindre ses buts.
Le superviseur, lui, ne formule pas d’objectifs. Il offre à ses clients un espace pour prendre du recul et pour leur permettre d’être dans une dynamique de questionnement sur soi pour se transformer.
La supervision apportera trois éléments principaux qui ne sont normalement pas, ou peu, abordé dans un coaching.
un soutien confrontant : dans une supervision, le client arrive avec des attentes et des questionnement qui lui son propre . Le superviseur va alors l’aider, en l’écoutant, le confrontant ou l’encourageant, à trouver ses propres réponses.
un aspect formatif : le superviseur, grâce à sa position particulière, a aussi les moyens de donner à son clients des feedbacks sur des points techniques. Ça ne fait jamais de mal de parfois rappeler certains point de management, communication ou coaching dans une supervision de dirigeant !
une vigilance sur l’éthique : parce qu’il subit une forte pression pour obtenir des résultats, il est possible pour un dirigeant de perdre le contact avec la réalité et de prendre des décisions qui ne seraient pas éthiques pour lui. Le superviseur, grâce à sa vision extérieure et neutre, peut alors l’aider à analyser et à modifier, si besoin, la manière dont il gère son business ou ses équipes par exemple.
Une autre différence importante entre la supervision et le coaching est l’horizon de temps de l’accompagnement. Un coaching dure généralement entre 6 à 9 mois avec pour aspiration que le client soit devenu autonome par rapport au coach à la fin de la relation. En supervision, un client peut garder le même superviseur pendant 2 à 5 ans. La supervision s’inscrit donc dans le long terme et la transformation durable du dirigeant.
2. Les compétences clés en jeu dans une supervision de dirigeant
Le premier élément auquel nous devons faire attention avant de commencer une supervision est évidemment l’établissement du contrat entre les deux personnes. Le superviseur s’engage à être présent dans la continuité pour challenger et guider son client dans son questionnement, mais également pouvoir garantir un processus relationnel confrontant et bienveillant. Beaucoup de dirigeants ne sont plus habitués à être confrontés. Il est donc très important de trouver la juste manière de faire des feedback en sachant y mettre les formes adaptés à ce niveau, tout comme un superviseur va être très vigilant avec un coach sénior qui réussit très bien.
Le superviseur s’engage également à fournir un cadre propice au développement des compétences de son client pour faire face aux changements nécessaires. En effet les dirigeants qui ont le mieux réussi dans l’ancien système doivent conduire le changement dans le nouveau système ce qui est très paradoxal !. Mais pour y parvenir une transformation durable est nécessaire alors que les enjeux sont élevés et celle-ci sera facilitée par un superviseur qui pourra apporter un regard neuf et extérieur sur les questionnements et doutes que peuvent avoir les dirigeants.
Créer un climat de confiance dans la supervision est bien entendu crucial. Cette confiance sera d’autant renforcée si le superviseur parvient à gérer un espace de confidentialité et l’absence de potentiel conflit d’intérêt. Par exemple, j’ai fait le choix de ne travailler qu’avec une entreprise par secteur, préférant ne pas me trouver en potentiel conflit d’intérêt, ou courir le risque de me faire utiliser pour savoir ce que fait l’autre. Cette compétence de gestion des conflit d’intérêt est très présents chez les superviseurs car les coachs sont très souvent en concurrence les uns avec les autres !
De plus il est important que notre superviseur ait une connaissance du système dans lequel son client évolue. Dans le cadre d’un coaching, le coach peut être très spécialisé en psychologie interpersonnelle et donc ne pas appréhender suffisamment l’environnement global du coaché, son entreprise, son équipes, ses proches. La plupart des superviseurs ont développés une double compétence, interpersonnelle et systémique, ce qui sera fort utile pour les dirigeants. D’autant plus que le dirigeant prend rarement le temps d’aller voir un thérapeute ! La connaissance que le superviseur doit avoir du système dans lequel évolue son client est cruciale pour aider le dirigeant à engager son groupe dans le changement mais aussi à jouer efficacement ses différents rôles : dirigeant, manager de son comex, actionnaires, et souvent aussi partenaires de vie et parents !
3. Le superviseur partenaire désintéressé du dirigeant
Pour être toujours dans une dynamique d’évolution et d’amélioration de soi, chacun a besoin d’un espace pour prendre du recul et analyser ses actions et décisions avec un regard extérieur. Et c’est d’autant plus vrai pour les dirigeants. En effet, si avec le pouvoir viennent de grandes responsabilités, plusieurs études récentes ont montré qu’une position de pouvoir accentue aussi nos biais cognitifs. Ainsi, si le cerveau humain a, par nature, des difficultés à admettre qu’il a tord et préfère généralement conserver de fausses croyances à tout prix plutôt que d’en changer. De la même manière, une étude a montré qu’une position de pouvoir diminuait notre capacité à nous mettre à la place de l’autre. Les leaders ont donc particulièrement besoin d’une personne qui pourra les confronter et les aider à aborder des situations différemment, ou simplement d’un espace où ils vont pouvoir prendre du recul pour réfléchir à froid sur leur manière de faire.
De plus l’entreprise a surtout promu des “doers” ces dernières années. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de demande pour former les leaders autour de la vision, du sens, du management stratégique. Pour rester au top et gérer ses risques, un leader doit être capable de remettre constamment à jour son système de croyance pour s’adapter aux constants changements du monde.
La supervision peut aussi nous permettre d’identifier des talents et compétences dont nous ne sommes pas réellement conscients, comme le formalise la “fenêtre de Johari”. Il s’agit de classer les connaissances que nous avons de nous même en quatre catégories : la zone publique, connue par nous et les autres, la zone cachée, connue seulement par nous, la zone inconnue, connue ni par nous ni par les autres et la zone aveugle, connue seulement des autres. C’est cette dernière zone qui est la plus importante. Par le regard de notre superviseur sur la durée, nous allons pouvoir apprendre des nouvelles choses de nous, de nouvelles compétences ou talent dont nous n’avions pas conscience et que nous n’exploitions donc pas suffisament.
Enfin, étant arrivé à une très haute position, notre égo et notre syndrome de toute puissance peuvent nous jouer des tours ! Nous pouvons être tenté de croire que nous n’avons besoin de personne et que nous sommes capable de tout. Pour cela je vous recommande de faire le test pour mesurer votre facteur de déraillement.
En effet, l’histoire des génies solitaires est un mythe. Pour atteindre les plus hauts niveaux et après les avoir atteint, avoir une relation avec quelqu’un qui nous challenge, nous pousse à devenir meilleur chaque jour et nous apporte de nouvelles visions et idées est extrêmement bénéfique, comme l’on montré Steve Jobs et Steve Wozniak, Sergueï Brinn et Larry Page, Picasso et Matisse… C’est le “power of two”.
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Tout le monde a besoin de coaching car je pense qu’il y a toujours quelque chose à améliorer dans le management. C’est pas facile d’être objectif en se remettant toujours en question. Très bon article que je recommande à tous.