Quand vous étiez enfant, vous a-t-on appris que se vanter était mal vu ou qu’il était impoli de parler de soi ? Vous a-t-on appris que si vous travailliez dur et vous concentriez sur vos objectifs, les autres finiraient par voir vos efforts et que vous seriez alors justement récompensé ? Voici les croyances que, souvent, nos parents ou nos professeurs nous ont transmises. Et si c’était peut-être vrai pour eux, dans le monde d’aujourd’hui, ce n’est plus comme ça que ça marche. Si vous ne le communiquez pas, comment vos managers ou clients sauront exactement quelle a été votre contribution dans un succès collectif ? Nous avons donc parfois cette idée que notre ego, la vision que nous avons de nous, de nos capacités et compétences est notre ennemi parce que trop “boosté” en grande école, ou trop diminué en classe préparatoire. Alors oui, si nous ne savons pas le gérer, notre égo individuel ou “collectif” peut nous faire prendre des décisions catastrophiques. C’est ce qui est arrivé au hedge fund Long-Term Capital Management, fondé en 1994. Il réunissait une “dream team” composée de prix Nobel d’économie et d’experts en banque d’investissemment. Il connut un magnifique succès au début mais succomba rapidement à la fierté sur-dimensionnée de ses fondateurs dont le modèle financier ultra-sophistiqué ne parvint pas à anticiper correctement certaines valeurs relatives d’actif.
1. Assumer son ego, la clé du succès
Qu’est ce que l’ego : c’est la représentation qu’un individu a de lui-même, une certaine conscience de ses capacités, de ses compétences et de son positionnement au sein de la société. C’est aussi une envie de se dépasser pour atteindre les meilleurs résultats et obtenir une reconnaissance, qu’elle soit personnelle, sociale, familiale, financière. Donc notre ego est extrêmement utile pour évoluer et nous transformer pour être au top dans notre job. Par exemple, avec un fort ego, nous n’allons pas nous arrêter au premier succès. Cela aurait été dommage que Mark Zuckerberg se soit contenté du succès que Facebook a rencontré au sein d’Harvard et qu’il n’ait pas tenté de l’ouvrir au reste du monde, non ?
La promesse produit, au sens marketing du terme, de votre “ego professionnel” est le “personal branding”. Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, a dit ainsi “votre marque correspond à ce que les gens disent de vous quand vous n’êtes pas là”. Et malgré tout ce qu’on peut nous dire sur la modestie et l’humilité, une récente étude a montré que lors d’un entretien d’embauche, ceux qui savent parler d’eux et se vanter (sans trop en faire bien sur) sont perçus bien plus positivement que ceux qui se présentent d’une manière modeste.
Notre ego bien marketé, à partir de nos succès passés, nous permettra d’attirer les bonnes personnes, projets ou clients , qui nous aiderons à construire les prochaines réussites et développer notre communauté de succès.
Une autre croyance assez répandue autour de l’ego est que les hommes ont bien plus tendances a en avoir un sur-dimensionné que les femmes. Plusieurs études viennent soutenir cette idée en montrant que, quand les hommes attribuent leurs succès à leur compétences propres, les femmes ont tendances à dire qu’elles “ont eu de la chance” ou que “n’importe qui aurait pu le faire”. Mais posez vous la question : quelles raisons auraient votre boss de vous récompenser pour vos succès si ceux-ci ne sont liés qu’à la chance ? C’est encore le moment de laisser votre ego vous aider à vous approprier vos succès et à les communiquer !
2. … Tant qu’on sait le gérer
Cependant, l’ego ne déroge pas à la règle “le mieux est l’ennemi du bien” et il faut faire attention à ne pas le laisser prendre trop de place. Si vous avez l’impression que vous êtes entouré de collaborateurs incompétents, si vous n’acceptez plus qu’on puisse être en désaccord avec votre opinion (alors que les chiffres ne plaident pas en votre faveur), si vous n’écoutez plus personnes, il est fort probable que vous ne gériez plus votre ego.
Le premier risque face à un ego sur-dimensionné est l’isolement. Nous refusons toute aide extérieure puisque personnes ne sera plus capable que nous d’obtenir des résultats. Conséquences directes: épuisement, burn-out, projet en retard…
Avoir un ego sur-dimensionné nous empêchera également de guider l’équipe dont nous aurons besoins pour réussir. Attirer les talents, savoir les garder et les motiver est de plus en plus une compétence clé. Tim Cook a expliqué qu’un de ses grands talents est de savoir gérer des forts égos et qu’il se positionne plutôt comme un Leader coach !
Savoir se remettre en cause pour anticiper ou gérer les compétiteurs disruptifs n’est possible qu’avec un ego sous contrôle qui nous permettra d’anticiper les signaux faibles comme une baisse de la satisfaction clients ou une expérience client désastreuse comme les taxis en France.
Enfin gérer notre réseau fait partie intégrale des compétences d’un Leader et savoir mettre son ego de coté (au moins un instant) pour pacifier une relation est un facteur clé de succès : nous allons devenir ami avec les personnes que nous traitons bien et ennemi avec les autres, c’est le Benjamin Franklin Effect. Au dix-huitième siècle, Franklin reçoit des critiques virulentes d’un autre homme politique suffisamment puissant pour mettre sa carrière en péril. Il sait que son opposant est un collectionneur de livre, Franklin va donc simplement lui envoyer une lettre, demandant s’il peut consulter un livre de sa collection qu’il sait très complète. Le rival, flatté, lui envoie immédiatement et Benjamin Franklin le lui rend une semaine plus tard avec un mot de remerciement. Mission accomplie, à la prochaine législature le rival vient le voir en personne pour la première fois et selon les mots de Franklin “nous devînmes de grands amis, et notre amitié continua jusqu’à sa mort”.
3. Manager les egos dans son équipe
Avoir de forts egos parmi les membres de nos équipes peut être un gros avantages : ce sont des personnes qui n’hésiteront pas à exprimer leurs opinions et leurs idées lors d’un brainstorming et nous permettons d’éviter le paradoxe d’Abilène. Le paradoxe d’Abilène illustre la difficulté qu’un groupe peut avoir pour prendre une décision. L’histoire : une jeune femme rend visite, avec son mari, à ses parents qui vivent dans une petite ville à 80km d’Abilène. Même s’il n’en a pas envie, le père, voulant faire plaisir à sa fille, propose de se rendre dans un restaurant à Abilène. La fille, qui n’a pas envie non plus mais veut faire plaisir à son père accepte et propose à son mari. Ne voulant pas décevoir sa femme, il accepte et propose à sa belle-mère qui accepte pour ne pas se retrouver dissociée du groupe. Et c’est comme ça que les quatre personnages se retrouvent à Abilène alors qu’aucun d’eux n’en avaient envie au départ. Aussi, que les membres de notre équipe acceptent de prendre le risque d’être en désaccord avec les autres et expriment leur opinion est un atout clé. Néanmoins, il est nécessaire de savoir gérer les egos pour que tout se passe bien et pour cela quatre compétences principales entre en jeu : valoriser, décider, challenger et mettre en concurrence.
Les personnes à l’ego développé ont un fort besoin de reconnaissance. Valoriser de manière appropriée, les rendre visible, partager les succès, leur faire des feedback positifs de qualité est donc crucial. Valorisons le résultat collectif autant que la contribution de chacun lors de nos célébrations ! Favoriser la coopétition entre les membres de nos équipes, surtout s’ils ont de fort caractère et pourront donc se challenger mutuellement ne sera que bénéfique. Dans le monde d’aujourd’hui, le travail en équipe et la communication avec ses collègues est crucial. Cependant, ce n’est pas toujours facile de créer une dynamique positive où les membres collaboreront et ne se battront pas pour savoir qui est le meilleur. Une étude récente de google nous donne quelques pistes pour comprendre pourquoi certains groupes fonctionnent mieux que d’autres.
Assumer ses décisions, montrer sa capacité à trancher vous permettra de remettre les égos à leur juste place dans vos équipes : comme contributeurs, vous restez le manager !
Challenger un ego et le remettre régulièrement à sa place est le rôle du manager pour éviter tous dérapages. Cela peut paraître compliqué étant donné que les forts egos ont souvent du mal à prendre une critique et demande donc une bonne finesse de communication. Pas facile, pour un entraîneur, de remettre à leur place des joueurs de foot sûrs de leurs compétences puisque récompensés par des ballons d’or et des salaires phénoménaux. C’est pourtant ce que parvient à faire Aimé Jacquet, comme on le voit dans cette vidéo, qui emmènent ses joueurs jusqu’à la victoire de la coupe du monde en 1998 !
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Rappelons que le contexte sociologique va dans le sens du grossissement de l’ego. Les sociologues ont repéré que l’individualisme, depuis les années 1980, s’oriente vers la quête et l’affirmation de soi. Merci pour ce texte qui montre que gérer son ego et ceux de notre entourage est un enjeu majeur.