Le plus grand ennemi de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance, c’est l’illusion de la connaissance. — Daniel J. Boorstin, écrivain américain
On entend souvent que les grands leaders sont rationnels, stratégiques, et qu’ils prennent des décisions basées sur les faits. Mais dans la réalité, notre cerveau devient parfois notre pire ennemi : regardez nos hommes politiques et leur biais sur le pouvoir, l’argent ou le sexe…
Nous sommes truffés de biais inconscients qui faussent notre perception, influencent notre management et, parfois même, sabotent nos meilleures intentions.
Ces biais sont trop souvent inconscients, voire invisibles : dans nos réunions d’équipe, nos plans stratégiques ou même dans la gestion de la confiance avec nos collaborateurs.
Alors, que faire ? Avant tout, comprendre et intégrer comment ces biais fonctionnent, et pourquoi ils empoisonnent nos décisions.
Les biais qui minent notre leadership
Il en existe des centaines, en voici quelques exemples :
1. Le biais de confirmation : quand vous entendez trop ce que vous voulez entendre
Vous aimez avoir raison, n’est-ce pas ? Ce biais nous pousse à rechercher uniquement les informations qui valident notre opinion. Vous demandez un retour sur un projet ? Si vos managers n’osent pas vous contredire et déploient des trésors d’influence pour arriver à vous faire changer d’avis, c’est que vous avez ce biais !
Récemment, une équipe de jeunes marketers (Gen Z) que j’accompagne, se posait la question suivante : “Comment faire valider par des boomers des décisions marketing qui concernent une cible de Gen Z ?“
2. Le biais d’ancrage : attention à la première impression
La première information entendue influence les suivantes, qu’elle soit pertinente ou non. Par exemple, je dois bientôt rencontrer un DRH dont la rumeur dit qu’il se fie essentiellement à sa première impression. Ce biais va me pousser à sur-préparer ce premier meeting, alors que je sais que c’est un frein majeur dans le changement ou la prise de décisions complexes.
Antidote : en être conscient et prendre le temps de regarder suffisamment de data et de signaux faibles pour se faire une opinion valable, en étant prudent sur sa première opinion qui généralement favorise la proximité de style ou d’idée, ou même oser célébrer le nombre de fois ou l’on change d’avis sur une personne.
3. L’effet de halo : un détail qui cache la forêt
Un salarié brillant dans un domaine particulier ? Vous le jugez parfait pour tout, même s’il n’est pas qualifié. Cet effet nous biaise beaucoup notre objectivité et fausse souvent la gestion des talents.
Antidote : prendre le temps, de la hauteur, se centrer sur les résultats objectifs de la personne et écouter ce que les autres en disent.
4. Le biais de statu quo : ne rien changer, c’est se mettre en risque
Pourquoi prendre des risques quand tout semble fonctionner ? Dans un monde en constante évolution, rester immobile, c’est reculer.
Antidote : anticiper les prochaines évolutions, garder une veille active, écouter les signaux faibles, garder l’organisation sous tension même si tout va bien.
5. Le biais d’excès de confiance : manager son égo
En tant que leader, il est tentant de penser que vous avez toutes les réponses. Mais vos émotions et votre ego faussent vos jugements. En ne demandant pas l’avis des autres ou en négligeant les signaux d’alerte, vous prenez des décisions qui pourraient nuire à votre entreprise ou à votre équipe.
Antidote : célébrer ses claques d’égo en lisant des textes bouddhistes pour chercher sa juste humilité, puis rebondir en lisant Spinoza, le philosophe du désir et de la joie.
Faites place aux challengers et au “fou du roi” dans vos équipes
Un leader visionnaire ne s’entoure pas que de de yes-men. Au contraire, il valorise les avis contraires qui enrichissent sa réflexion. Mais comment identifier et intégrer ces challengers dans votre équipe ou votre cercle de confiance ? Leur mission n’est pas de vous contrarier gratuitement, mais de pousser votre leadership et celui de vos managers à un niveau supérieur.
Quelques tips pour progresser:
- Comment m’assurer que je donne suffisamment d’espace aux idées divergentes dans mes réunions ?
- Comment développer une culture où la confiance permet à chacun de remettre en question mes décisions ?
- Comment intégrer de la diversité de parcours, de la vision dans mes équipes ?
Le rôle crucial du “fou du roi”
Le “fou du roi” va encore plus loin. Contrairement aux challengers qui argumentent sur des décisions spécifiques, ce rôle consiste à vous alerter sur vos biais récurrents ou vos angles morts. Il ne craint pas de vous dire ce que personne d’autre n’ose exprimer, mais avec une approche très constructive, presque diplomatique et souvent avec humour.
Alors, êtes-vous prêt à laisser votre équipe et vos challengers tester vos convictions pour un leadership plus éclairé ?
Conseils pratiques pour intégrer ces rôles
- Identifiez vos challengers : Repérez les collaborateurs qui posent des questions difficiles ou remettent vos idées en question de manière constructive. Mettez en valeur leur contribution dans des contextes stratégiques.
- Créez un cadre sécurisant : Les employés hésitent souvent à contredire leurs supérieurs par peur de représailles. Travaillez sur la gestion des émotions et la confiance dans vos équipes pour encourager la transparence, le fameux psychological safety.
- Faites-vous coacher : Parfois, un regard extérieur est indispensable. Un coach peut jouer le rôle de miroir pour identifier vos biais et affiner vos décisions.
- Mettez en place des 360° structurés avec du verbatim pour lire vos points forts et axes de progrès.
- Structurez vos échanges : Introduisez des “sessions de feedback inversé” où managers et collaborateurs peuvent exprimer ce qu’ils auraient fait différemment face à une décision récente.
Challengez vos certitudes et agissez
Explorez vos schémas invisibles avec le jeu des archétypes
Vos décisions sont-elles vraiment rationnelles, ou sont-elles influencées par des schémas invisibles ? Le jeu des Archétypes, inspiré par Carl Gustav Jung, est un outil puissant pour explorer ces questions. À travers ses 45 cartes, il vous confronte à des figures comme l’Ombre (vos blocages vos limites), ou la Lumière (ce qui est juste pour vous au bon niveau).
Prenez une mission en cours, un de vos projets clés dans votre vie professionnelle : connectez-vous à vous-même et tirez 3 ou 4 cartes du jeu que vous aurez préalablement bien mélangé. Ces cartes vont peut être permettre de vous donner un éclairage sur ce qui est juste dans vos énergies sur ce projet, et sur ce que vous devez changer. Ce tirage pourrait-il mettre en lumière des signaux d’alerte avant qu’ils ne sabotent votre stratégie ?
Le jeu des Archétypes est plus qu’un outil ludique : c’est une boussole pour les leaders prêts à prendre du recul et à explorer leurs forces cachées.
Renforcez la culture de feedback
Une décision mal calibrée peut découler d’un simple manque de perspective. Comment l’éviter ? Créer une culture où le feedback sincère est la norme renforcera la résilience de votre management. Cela passe par :
- Établir une vraie confiance : comment pouvez-vous faire en sorte que vos équipes osent exprimer des feedback d’amélioration sans crainte ?
- Encourager l’acceptation des feedbacks positifs : souvent, dans les cultures latines, recevoir du feedback positif est difficile : c’est un vrai apprentissage à mettre en place.
- Encourager le feedback ascendant : acceptez les remarques venant de tous les niveaux, même venant de managers plus juniors.
Prenez du recul sur vos décisions
L’agitation du quotidien et la survalorisation de l’action peut fausser votre jugement. Prenez le temps de bloquer 2 à 4 heures par semaine de réflexion stratégique sur vos projets clés. Avant une décision cruciale, interrogez-vous :
- Est-ce que j’écoute vraiment toutes les perspectives disponibles ?
- Mon état émotionnel affecte-t-il mon jugement ?
- Mes choix sont-ils fondés sur des données solides ou sur une intuition ? Et donc, mon intuition est-elle plutôt juste en ce moment ?
Ces questions simples et puissantes, peuvent vous aider à devenir un dirigeant plus confiant et aligné.
Vos biais inconscients ne disparaîtront pas du jour au lendemain, mais les ignorer est un luxe que vous ne pouvez pas nous permettre. En travaillant sur vous-même, en vous entourant de challengers, et en intégrant des outils comme le jeu des Archétypes, vous ferez de vos émotions dans votre management un atout.
Le leadership n’est pas seulement une question de résultats. C’est avant tout une quête de clarté, d’équilibre, et de confiance en soi et en son équipe.
En intégrant ces pratiques à votre leadership, vous vous offrez et vous offrez à votre équipe un environnement où les biais s’atténuent, et où les décisions gagnent en clarté et en impact.
Alors, êtes-vous prêt à challenger vos propres certitudes pour devenir le leader que vous aspirez à être ?
#biais #leadership #decision #impact